Le premier pavillon « famisolo » : la maison des monoparents de Floirac
En septembre 2019, après plusieurs semaines de travaux, Fraveillance ouvre à Floirac sa première « Maison famisolos » appelée « la Maison des monoparents». Le pavillon accueille deux familles : deux mères seules avec au total trois enfants. L’une des familles habitait en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et une autre était en cours d’expulsion de son logement. Chaque famille dispose au sein du logement d’un espace privé et de l’espace commun : une cuisine et une grande salle permettant de partager des repas, d’organiser des ateliers, etc. Une caisse a été créée par l’association pour pallier aux premières dépenses d’emménagement : ouverture de compte, attente des versements des prestations CAF, déménagement, etc. Le loyer et l’ensemble des dépenses relatives aux familles sont partagés entre les deux familles, en fonction de la composition familiale.
Accompagner les monoparents
En parallèle de la création de colocations, Fraveillance propose différents ateliers. Ils portent d’une part sur le soutien à la parentalité (ateliers jeux-parents, groupe d’échanges sur la séparation, présentation sur l’attachement, etc) et d’autre part sur le vivre ensemble (atelier sur savoir dire oui/dire non, l’affirmation de soi, la communication, etc). Ces ateliers sont accessibles à tous les parents en situation de monoparentalité, qu’ils soient intéressés par la cohabitation ou non.
La participation à ces ateliers est un préalable à tout accompagnement concernant la question du logement, notamment vers une colocation. En effet, ces ateliers permettent aux familles de se rencontrer, d’apprendre à se connaître et de commencer à réfléchir à un futur projet de cohabitation.
Les familles potentiellement intéressées sont repérées et orientées par les différents partenaires de l’action sociale (notamment le Département) et du logement (associations).
Mais la démarche n’est pas pour autant évidente : dans plus de 70% des cas selon Fraveillance, lorsque la cohabitation est proposée à une famille, celle-ci refuse, bien qu’ayant un besoin urgent de se loger. En effet, dans notre société actuelle, où la majorité des ménages est constitué de familles de type « nucléaire », vivre avec une autre famille n’est pas sans poser de questions. D’expérience, ce refus peut s’expliquer par différentes raisons : peur de devoir porter les difficultés des autres en plus des siennes, difficulté au niveau émotionnel et psychologique (familles qui se sentent trop à fleur de peau pour pouvoir supporter d’autres personnes qui n’ont pas les mêmes habitudes), nécessité de se restaurer seule après avoir subi des violences, aspiration à un temps de répit, etc. Les familles qui ne souhaitent finalement pas cohabiter peuvent cependant bénéficier d’un accompagnement global vers le logement par l’association qui les oriente ensuite, via son réseau de partenaires locaux, vers des logements mis à disposition par des bailleurs sociaux ou d'autres acteurs associatifs.
Le vivre-ensemble, un processus à accompagner
Concernant les familles qui désirent cohabiter, le « vivre ensemble » est donc un véritable processus que Fraveillance accompagne en amont et tout au long de la période de cohabitation. Dès le départ, via les ateliers, les familles apprennent à mieux se connaître et à comprendre quelles règles de vie sont importantes à leur niveau. Puis, elles se choisissent entre elles, il n’y a pas de « cohabitation subie ».
Par la suite, les différends qui peuvent survenir sur les manières de faire, sur les règles quotidiennes, sont discutés avec l’aide d’un « médiateur », prestataire de l’association. Selon le type de situation à dénouer, l’association fait appel au professionnel compétent : thérapeute familial ou autre….
Il s’agit aussi de trouver des fonctionnements qui soient justes pour chacun, au fur et à mesure que se présentent les questions : juste répartition de la taxe d’habitation, des charges, etc. Les ateliers contribuent aussi, une fois que les familles ont emménagé, à dénouer les conflits, en ayant une approche collective pour éviter qu’ils ne se cristallisent entre deux familles. L’objectif est donc double : accompagner les monoparents sur le volet « parentalité » et vers le logement.
Les familles qui emménagent en collocation peuvent y rester autant de temps qu’elles le souhaitent. En effet, pour l’association il ne s’agit pas d’une solution de transition mais d’une forme d’habitat en soi qui répond mieux aux problématiques des familles monoparentales en leur permettant de lutter contre l’isolement et de mutualiser leurs moyens.
Les difficultés rencontrées
La création du projet n’a pas été sans poser de difficultés. Le partenariat a été déterminant pour obtenir des soutiens notamment matériels et financiers, comme le premier logement et les fonds nécessaires aux premiers travaux (plus de 100 000 euros). Le processus d’intelligence collective mis en place dans le collectif a aussi été très lourd -au regard de la coordination et de la disponibilité que cela requiert- tout en constituant paradoxalement une vraie force.
Les difficultés actuelles rencontrées par la Maison des monoparents touchent principalement au « recrutement » et à l’accompagnement quotidien des familles. Les partenaires de l’action sociale et de l’insertion (travailleurs sociaux, associations, CHRS, etc.) orientent les familles vers Fraveillance. Cependant, elles sont identifiées à partir de leur situation de monoparentalité et leur besoin de logement, sans autres « filtres ». Toutefois, si des deux critères sont essentiels, la famille doit être suffisamment stable car cumuler accompagnement sur la monoparentalité et sur l’insertion reste complexe.
Une autre difficulté liée tient à l’intégration des familles dans le processus, qui est long. Par ailleurs, la durée du processus (suivi des ateliers et constitution des colocations par affinités) peut être en décalage avec l'impératif, pour la plupart des familles, de se loger rapidement. Mais ce temps est nécessaire, car il leur permet de savoir si cette solution leur correspond réellement.
Les ingrédients du succès
La réussite de cette initiative tient à différents paramètres et notamment :
- Une large place donnée au choix. Il n’existe en effet pas de cohabitation subie, les « colocataires » choisissent la cohabitation, et se choisissent entre eux.
- Un accompagnement à deux niveaux : à la fois sur la question du logement mais aussi sur la parentalité.
- Un accompagnement quotidien du vivre-ensemble.
Perspectives futures
Concernant la maison des mono-parents de Floirac :
L’enjeu identifié est de continuer à accompagner de manière durable les évolutions et mouvements des familles : nouveau conjoint, nouvel enfant, etc.
Concernant l’activité de l’association Fraveillance :
Si la Maison des monoparents de Floirac a été le premier pavillon de ce type inauguré par Fraveillance-Famisolo, d’autres vont suivre.
En 2021, l’association a pour projet de réhabiliter un grand immeuble à Bobigny (Seine-Saint-Denis), avec un fonctionnement d’habitat partagé mais cette fois en mixant des familles monoparentales et d’autres types de ménages.
En outre, l’association a été retenue pour remplir et faciliter la gestion des colocations avec les familles solos sur un projet d’envergure : une maison « Famisolo » géante à Nantes. L’association assurera l’animation pour développer un habitat bienveillant (mixité intergénérationnelle, cercle de parole…) et solidaire (services partagés, entraide de proximité…).
Bilan
Le premier pavillon ayant vu le jour en Septembre 2019, il est pour le moment difficile de mesurer l’impact.
Voici néanmoins quelques chiffres pour l’année 2019 :
- 73 familles rencontrées
- 11 familles qui ont bénéficié d’un accompagnement ayant conduit à un logement autonome (hors collocation)
- 2 familles logées dans le pavillon de Floirac.
Partenaire(s)
Fraveillance fonctionne grâce à de très nombreux partenaires, qu’ils soient financiers ou sociaux (c’est-à-dire ceux qui orientent les familles), parmi lesquels :
- Les Compagnons bâtisseurs
- L’Unaf (Union nationale des associations familiales)
- Les collectivités territoriales locales : département, villes
- La Fédération des familles monoparentales
- Les CHRS / le 115
- Le Secours catholique
- Des associations locales comme Toits du cœur à Bordeaux
- La Fondation Abbé Pierre
Moyens
Humains : Membres co-fondateurs bénévoles qui appuient un salarié (administratif, coordination…) et un service civique (accompagnement du public).
Financiers : Subventions des différents partenaires.
Contact
Jérôme MENDIELA
Fondateur de Fraveillance
Association Fraveillance
Adresse : 10 Rue de Langeac 75015 Paris
Courriel : [email protected]
Site web : http://www.fraveillance.org/